Dans le domaine de l’aide à domicile, on parle souvent de gestes techniques, de sécurité, d’autonomie… Mais il y a une autre forme de soutien, plus invisible et pourtant tout aussi essentielle : celui des émotions. Et si on s’intéressait à un phénomène méconnu, mais fondamental pour le bien-être des personnes âgées ? Parlons aujourd’hui de la mémoire émotionnelle, cette incroyable capacité du cerveau à conserver les traces de nos ressentis… même quand les souvenirs s’effacent.
On distingue plusieurs types de mémoire : la mémoire épisodique, qui permet de se souvenir d’un événement précis, comme un mariage ou une fête ; la mémoire sémantique, qui regroupe les connaissances générales, comme la capitale de la France ou la recette d’un œuf au plat ; la mémoire procédurale, qui nous permet d’accomplir des gestes de manière automatique, comme faire du vélo ou écrire ; et enfin, la mémoire émotionnelle, qui est cette faculté à revivre une émotion associée à une situation, même quand le contexte exact nous échappe.
Chez les personnes âgées, et en particulier chez celles atteintes de troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer, la mémoire émotionnelle est souvent la dernière à s’effacer. Un parfum qui rappelle l’enfance, une chanson qui évoque un amour de jeunesse, une voix douce qui apaise… Ces fragments d’émotion survivent bien après que les mots ou les visages aient disparu.
Pour les professionnels de l’aide à domicile comme pour les aidants familiaux, il est fréquent d’avoir le sentiment que la personne âgée est « absente », qu’elle ne comprend plus, qu’elle est « perdue ». Pourtant, l’émotion, elle, est toujours là. Comprendre la mémoire émotionnelle, c’est ouvrir une autre porte d’entrée pour créer du lien, même quand les mots ne suffisent plus. Une chanson douce peut calmer une angoisse. Un gâteau au goût d’enfance peut ramener un sourire. Une attention sincère peut déclencher un éclat de rire. Ces réactions ne sont pas anodines : elles sont le signe que, quelque part, la personne ressent et vit toujours.
Au quotidien, il est possible de stimuler cette mémoire émotionnelle de façon simple mais très efficace. La musique, par exemple, est un véritable ascenseur émotionnel. Une playlist de chansons qui ont marqué la jeunesse de la personne peut réveiller des souvenirs enfouis. Chanter ensemble, même juste quelques refrains, peut suffire à illuminer un visage. Les objets et les photos anciennes sont aussi de puissants vecteurs de réminiscence. Afficher des images familières, encourager la personne à dire ce qu’elle ressent en les regardant, peut favoriser une connexion émotionnelle. L’éveil des sens joue également un rôle clé : des odeurs comme la lavande, le café ou le pain grillé peuvent faire resurgir des souvenirs. Proposer de goûter des plats simples et affectifs comme une soupe maison ou une compote tiède peut avoir un effet apaisant. Et puis, il y a le contact humain. Un geste rassurant, une main sur l’épaule, un regard bienveillant peuvent suffire à calmer une angoisse, à ramener de la sérénité. La présence attentive, sans parole, peut parfois dire bien plus.
Un témoignage illustre avec justesse cette réalité. « Ma mère ne se souvenait plus de mon prénom, mais chaque fois que je mettais du Charles Trenet, elle se mettait à sourire et à fredonner. C’était notre moment à nous. Elle n’était peut-être plus dans le temps présent, mais elle était là, connectée à moi, par l’émotion. »
La mémoire émotionnelle ne disparaît pas aussi vite que les autres formes de mémoire. Elle peut devenir une ressource précieuse pour maintenir un lien affectif. Les émotions positives vécues aujourd’hui peuvent rester accessibles plusieurs jours plus tard. Stimuler cette mémoire, c’est choisir de valoriser ce qui reste, plutôt que de se concentrer sur ce qui est perdu.
Pour aller plus loin, plusieurs ressources peuvent enrichir la réflexion : les publications de la Fondation Vaincre Alzheimer sur la mémoire émotionnelle, le podcast “La Tête au Carré” de France Inter consacré à la musique et au cerveau, ou encore le film « Still Alice » qui aborde avec sensibilité la progression d’un trouble cognitif et l’importance du lien affectif.
Une idée simple mais puissante peut aussi être mise en place : créer une “boîte à émotions” à la maison, rassemblant des objets, des photos, des musiques ou des parfums significatifs pour la personne. Elle pourra s’y plonger en cas de stress, de baisse de moral ou simplement pour se reconnecter à ce qui fait sens pour elle.
Chez Unaide, nous croyons que prendre soin, c’est aussi écouter ce que le cœur n’a pas oublié. Et si on changeait de regard sur la mémoire ? Pas uniquement ce qu’elle perd… mais surtout ce qu’elle retient.
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